Cinématon de Rémi Lange par Gérard Courant réalisé le 10 décembre 1994 à Châteauroux (France). N°1735. Silencieux.


"C'est Walden (1964-1969), de Jonas Mekas, qui donne à Rémi Lange l’envie d’essayer le journal filmé et de « construire sa vie au travers de l’histoire de l’autre, de son vécu ». Il découvre le film en 1992. À la même époque, la caméra-stylo de Joseph Morder et la caméra cachée d’Abbas Kiarostami retiennent aussi son attention. Dès lors, l’écriture seule, qu’il pratiquait depuis l’âge de onze ans, ne lui suffit plus. Il commence par travailler sur le son, puis, très rapidement, sur l’image, ou plus exactement sur les images en mouvement, avec une caméra super-8. « Je passe à l’acte le mardi 2 mars 1993. Je mets une cartouche super-8 sonore dans le ventre de ma caméra, et je donne naissance à ce qui va devenir les premières images de mon journal filmé. » Dès lors, l’introspection fait place au désir de s’ouvrir aux autres, et le cinéma devient le moyen de ce partage : il donne à voir son propre corps mais également son « flux de conscience ».
Rémi Lange veut abolir les frontières entre le cinéma expérimental, trop puriste, et le cinéma industriel, trop lisse à son goût. Il emprunte au premier ses recherches esthétiques, et au deuxième sa capacité de toucher l’autre. Avec Omelette (1993-1997), il cherche à inventer un nouveau genre, mélange de journal filmé et de film de fiction, qu’il appelle le « film-journal-narratif-classique-grand-public ». Dans ce film, il effectue un vrai travail de montage, et utilise une narration classique, afin d’atteindre un large public. Rémi Lange désire rapprocher le journal filmé de la narration, mais il veut aussi « montrer qu’une autre esthétique est possible, ni moins bonne ni plus mauvaise : l’esthétique des films de famille, avec ses surexpositions, ses sous-expositions, ses flashes d’images, son montage à la hache, ses changements brusques de mise au point, ses flous, ses tremblements, ses images qui sautent, ses bruits de micro… »
Si Omelette est un aveu, Les Yeux brouillés (1999), conçu comme le deuxième épisode d’une trilogie autobiographique, se pose comme une affirmation : le cinéaste met en avant sa sexualité mais aussi son existence physique. Omelette est un coming-out, et Les Yeux brouillés un film d’amour : dans le premier, la caméra est pointée vers l’environnement proche de l’auteur, dans le deuxième – vers l’auteur lui-même. L’œuvre cinématographique de Rémi Lange est marquée par la porosité de la frontière qui distingue le devant de l’arrière de la caméra.
En 2004, le cinéaste crée sa propre société de distribution et d’édition de DVD, Les Films de l’Ange, et commence à publier la collection Homovies, consacrée au cinéma queer et underground. Cette société lui donne également la possibilité de sortir ses propres films en DVD ; c’est ainsi que ses deux courts-métrages Statross le Magnifique (2006) et Thyroid (2007), ou ses longs-métrages Devotee (2008) et Partir (2009) trouvent leur public.
Contrairement à ses deux premiers opus, les films ultérieurs de Rémi Lange ne sont pas ouvertement autobiographiques, même s’il garde toujours un rapport ambigu avec la réalité. Volontairement teintée d’amateurisme, l’esthétique de ces films évoque le faux documentaire ou la fiction tournée à la hâte pour la télévision. Les acteurs se présentent comme des témoins dans un documentaire télévisuel, ou encore des non-professionnels qui rejoueraient une scène pour les nécessités de la réalisation, tout en faisant semblant d’oublier la caméra, qui devient de ce fait trop présente.
Réalisés en mini DV, les derniers films de Rémi Lange, moins connus du public, ont malgré tout trouvé leur audience. Explorant les différentes facettes de la sexualité, et surtout de l’homosexualité, riches en personnages et événements, jouant sur une esthétique décalée, qui fait appel à l’ironie autant qu’au mélodrame, ces œuvres, où apparaissent les acteurs et actrices fétiches du cinéaste, participent à l’établissement d’un cinéma et d’une culture underground en France." 

(Yekhan Pinarligil pour le site collection.centrepompidou.fr)
 

Photo de Yann Dante (2015, Lyon)

"Avec ses 3 journaux filmés "Omelette", "Les Yeux brouillés" et "L’œuf dure", Rémi Lange réinvente le genre "journal filmé" et crée sa propre esthétique qui est, selon lui, celle du "film-journal-narratif-classique-grand-public." (Catalogue de l'exposition Quel Amour !?, Manuella Éditions / Musée d'Art Contemporain de Marseille, mai 2018)
 
 

Photo de Serge Feuillard (1999, Paris)

 
"Grâce à ce cinéaste unique et attachant, l'underground gay n'est pas mort et a su garder toute sa noblesse et son excitation..." (E-MALE - n°71)
 
 

  2 Polaroïds
 d'Alain Burosse (1995, Paris, France).


"Un vrai talent de réalisateur." (Le monde - 3/4 janvier 1999)
 

Photo de Roger Meunier (2015, Melun, France).

"Loin d'être un filmeur du dimanche, Lange est un vrai-faux cinéaste. Autrement dit, un vrai de vrai." (Jacques Morice - Beaux Arts Magazine - juin 2000)


"Un cinéaste engagé et enragé". (2X, janvier 2007)  
 

Photo d'Antoine Parlebas (1993, dans un train, quelque part aux Payx-Bas) 

"A l’âge de 11 ans, Rémi Lange commence un journal intime où il écrit : 'Chaque jour on a toujours quelque chose qui nous marque. C’est comme si on vivait une vie entière'. Sept ans plus tard, il commence à filmer ses proches avec une caméra vidéo. Entre-temps, il a découvert le cinéma - fantastique de préférence ('King Kong', 'Freaks' etc.). Du mélange de ces deux passions (7ème art et écriture) naîtra un premier journal filmé (Omelette, 1997), un genre qu’il va totalement révolutionner. Avec lui, on est au-delà du voyeurisme ou de l’exhibitionnisme : rarement on aura ressenti à l’écran une telle fièvre à rendre compte à tout prix de son vécu, comme s’il s’agissait de 'rattraper la vie par les cheveux'. Filmer devient un acte libérateur. Et aliénant aussi, parfois, puisqu’on prend tous les risques, en impliquant ses amis, sa famille, sa vie privée et celle des autres. Bribes d’entretiens, conversations téléphoniques… qu’importe le matériau, l’important est de charrier la vie en la faisant passer par le filtre d’une caméra qui sert de stylo. Expérience proche de l’analyse, du happening, sans cesse au bord de l’impudeur, mais sauvée par l’honnêteté du cinéaste qui offre sa pensée en mouvement, avec ses scories, ses ratures et ses moments inspirés. Un cinéma qui ne peut que susciter des vocations puisqu’il donne envie de prendre soi-même la caméra." (BERNARD GENIN, WWW.UNIVERSCINE.COM)

Photo de Marie-Claire Vericel (Lyon, 2019)

"Rémi Lange a participé à l'émergence de la contre-culture cinématographique." (CINEMABRUT.COM).
 

 

Photo de Charles Pietri (Lyon, 2019)

"Devant l'évidence du regard de Rémi Lange, les préjugés tombent, l'amour monstrueux devient possible (...). Un de ces cinéastes talentueux oubliés des producteurs et des distributeurs mais dont l'œuvre, par son invention, sa liberté (...), propose un cinéma en marge du système, abordant les thèmes que les autres n'osent pas aborder, dans un style unique qui en inspire aujourd'hui de nombreux autres. C'est avec des cinéastes de cette trempe que le cinéma, le vrai, se renouvelle et renaît là où tant d'autres le croient mort. Rémi Lange est au cinéma d'aujourd'hui ce que les impressionnistes furent à l'art pompier de leur époque. Il rappelle également, à travers ses budgets ridicules, que le manque d'argent n'empêche pas de filmer mais qu'au contraire il donne cette liberté essentielle que la soumission aux diktats du financement officiel fait inévitablement perdre." (Philippe Barassat pour Les Toiles Roses)
 
 
 
Photo de Philippe Barassat (Paris, 28 février 2025)

 

"Le journal filmé à fonction identitaire. Filmer pour comprendre sa vie et notamment sa vie sexuelle (...) est à l'origine d'un premier film réalisé en 1993 et sorti 5 ans plus tard : 'Omelette'. Rémi Lange choisit délibérément la matrice amateure comme mode de filmage de cette autofiction qui se révèle aussi un outing filmé, l'un des premiers. Depuis Jonathan Caouette a montré ses films de famille dans 'Tarnation' (...), Maïwen a réglé ses comptes avec ses parents dans "Pardonnez-moi" en 2006 et Xavier Dolan dans "J'ai tué ma mère" en 2009 (...). Le récit premier affleure à la surface de façons diverses : par le biais d'un montage assumé par le personnage narrateur de "Omelette', qui figure le manque, ou par la structuration en chapitres et les cartons de Jonathan narrateur dans 'Tarnation' qui matérialisent l'ajout." ("Films amateurs dans le cinéma de fiction", Marie Thérèse Journot, Armand Colin, 2011)

 

 
Photo de Frédéric Labonde (Lyon, 10 mars 2015)

 

Photo de Carlotta (Marseille, 12 août 2025)

 

« Les critiques enthousiastes qui ont accueilli l’année dernière la sortie de Tarnation de Jonathan Caouette ne se sont pas assez souvenus de l’un des pères putatifs de son cinéma : Rémi Lange. » (Les Inrockuptibles)

 






9 Photos de Richard Baltauss (Blois, 2e session d’Émergence, juin 2000

 

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