Cinématon de Rémi Lange par Gérard Courant réalisé le 10 décembre 1994 à Châteauroux (France). N°1735. Silencieux.
Rémi Lange veut abolir les frontières entre le cinéma expérimental, trop puriste, et le cinéma industriel, trop lisse à son goût. Il emprunte au premier ses recherches esthétiques, et au deuxième sa capacité de toucher l’autre. Avec Omelette (1993-1997), il cherche à inventer un nouveau genre, mélange de journal filmé et de film de fiction, qu’il appelle le « film-journal-narratif-classique-grand-public ». Dans ce film, il effectue un vrai travail de montage, et utilise une narration classique, afin d’atteindre un large public. Rémi Lange désire rapprocher le journal filmé de la narration, mais il veut aussi « montrer qu’une autre esthétique est possible, ni moins bonne ni plus mauvaise : l’esthétique des films de famille, avec ses surexpositions, ses sous-expositions, ses flashes d’images, son montage à la hache, ses changements brusques de mise au point, ses flous, ses tremblements, ses images qui sautent, ses bruits de micro… »
Si Omelette est un aveu, Les Yeux brouillés (1999), conçu comme le deuxième épisode d’une trilogie autobiographique, se pose comme une affirmation : le cinéaste met en avant sa sexualité mais aussi son existence physique. Omelette est un coming-out, et Les Yeux brouillés un film d’amour : dans le premier, la caméra est pointée vers l’environnement proche de l’auteur, dans le deuxième – vers l’auteur lui-même. L’œuvre cinématographique de Rémi Lange est marquée par la porosité de la frontière qui distingue le devant de l’arrière de la caméra.
En 2004, le cinéaste crée sa propre société de distribution et d’édition de DVD, Les Films de l’Ange, et commence à publier la collection Homovies, consacrée au cinéma queer et underground. Cette société lui donne également la possibilité de sortir ses propres films en DVD ; c’est ainsi que ses deux courts-métrages Statross le Magnifique (2006) et Thyroid (2007), ou ses longs-métrages Devotee (2008) et Partir (2009) trouvent leur public.
Contrairement à ses deux premiers opus, les films ultérieurs de Rémi Lange ne sont pas ouvertement autobiographiques, même s’il garde toujours un rapport ambigu avec la réalité. Volontairement teintée d’amateurisme, l’esthétique de ces films évoque le faux documentaire ou la fiction tournée à la hâte pour la télévision. Les acteurs se présentent comme des témoins dans un documentaire télévisuel, ou encore des non-professionnels qui rejoueraient une scène pour les nécessités de la réalisation, tout en faisant semblant d’oublier la caméra, qui devient de ce fait trop présente.
Réalisés en mini DV, les derniers films de Rémi Lange, moins connus du public, ont malgré tout trouvé leur audience. Explorant les différentes facettes de la sexualité, et surtout de l’homosexualité, riches en personnages et événements, jouant sur une esthétique décalée, qui fait appel à l’ironie autant qu’au mélodrame, ces œuvres, où apparaissent les acteurs et actrices fétiches du cinéaste, participent à l’établissement d’un cinéma et d’une culture underground en France."
(Yekhan Pinarligil pour le site collection.centrepompidou.fr)
"Un vrai talent de réalisateur." (Le monde - 3/4 janvier 1999)
Photo de Roger Meunier (2015, Melun, France).
"Loin d'être un filmeur du dimanche, Lange est un vrai-faux cinéaste. Autrement dit, un vrai de vrai." (Jacques Morice - Beaux Arts Magazine - juin 2000)Photo de Marie-Claire Vericel (Lyon, 2019)
Photo de Charles Pietri (Lyon, 2019)
"Le journal filmé à fonction identitaire. Filmer pour comprendre sa vie et notamment sa vie sexuelle (...) est à l'origine d'un premier film réalisé en 1993 et sorti 5 ans plus tard : 'Omelette'. Rémi Lange choisit délibérément la matrice amateure comme mode de filmage de cette autofiction qui se révèle aussi un outing filmé, l'un des premiers. Depuis Jonathan Caouette a montré ses films de famille dans 'Tarnation' (...), Maïwen a réglé ses comptes avec ses parents dans "Pardonnez-moi" en 2006 et Xavier Dolan dans "J'ai tué ma mère" en 2009 (...). Le récit premier affleure à la surface de façons diverses : par le biais d'un montage assumé par le personnage narrateur de "Omelette', qui figure le manque, ou par la structuration en chapitres et les cartons de Jonathan narrateur dans 'Tarnation' qui matérialisent l'ajout." ("Films amateurs dans le cinéma de fiction", Marie Thérèse Journot, Armand Colin, 2011)
« Les critiques enthousiastes qui ont accueilli l’année dernière la sortie de Tarnation de Jonathan Caouette ne se sont pas assez souvenus de l’un des pères putatifs de son cinéma : Rémi Lange. » (Les Inrockuptibles)
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